05 octobre 2011

Non, l'UMP n'est pas "à gauche" du parti démocrate 

A propos de toute autre chose (l'intérêt de taxer les produits gras), Matthew Yglesias note en passant que :
The thing about Denmark is that it’s a very high tax country. It’s just been governed for a decade by an anti-tax center-right coalition government, whose big achievement was to get total taxes down to 50 percent of GDP. In the United States, I think the Progressive Caucus would laugh at you if you suggested making taxes that high.
C'est le genre de remarque qu'on entend fréquemment (exemple type : "la droite française est tellement étatiste qu'elle serait à gauche du parti démocrate aux États-Unis") mais qui me semble en fait très peu éclairante.

Parce qu'en pratique, la structuration du débat gauche-droite ne se fait jamais de manière absolue, en fonction d’idéaux politiques abstraits, mais bien relativement aux institutions et aux politiques existantes, qui différent grandement d'un pays à l'autre.

Pour l'illustrer simplement et à gros traits, la droite va généralement proposer de baisser les impôts par rapport au niveau existant à l'échelle nationale, en souciant assez peu de savoir si ce niveau est élevé ou pas en comparaison internationale. Si le taux de prélèvements obligatoires est à 50%, promettre de les baisser à 45% sera la plupart du temps une proposition portée par la droite. Si le taux de PO est à 40%, un candidat qui propose de les porter à 45% aura de fortes chances d'être de gauche - et d'une gauche bien colorée de surcroît, la promesse d'une nette augmentation des impôts étant rarement vue comme un gage de réussite électorale dans les rangs de la gauche parlementaire.

Le fait que les partis et les candidats se positionnent de manière relative n'est pas étonnant : les électeurs demandent en général du changement, mais peu sont partisans d'un bouleversement complet. Il y a quelques exceptions, par exemple quant un bord de l'échiquier politique est discrédité (1945 pour la France), quand le système en place semble inapte à répondre aux urgences du moment (1958) ou quand une alternance survient après une longue période d'exercice du pouvoir par un camp (1981). Mais, la plupart du temps, les politiques publiques progressent de manière incrémentale, et pas par grands bonds en avant (ou en arrière).

Ce qui fait que la "dépendance du sentier" est souvent importante en ce qui concerne les politiques publiques : dans The Divided Welfare State, Jacob Hacker montre bien comment la décision, en 1954, de défiscaliser les contributions des employeurs aux mutuelles d'entreprises a empêché, et empêche encore, l'émergence d'un système d'assurance maladie universelle aux États-Unis. La prise en compte de cet élément fait que les tentatives de placer sur une même échelle gauche-droite des partis politiques qui s'inscrivent dans des systèmes politiques différents sont largement vaines.

Ou alors, il faudrait aussi considérer que le parti conservateur britannique est à la gauche du PS, parce que les Tories ne proposent pas de démanteler le National Health Service et que les socialistes français ne remettent pas frontalement en cause la charte de la médecine libérale de 1927.