25 mars 2012

[Sondages] Hollande et Sarkozy à égalité au 1er tour 

Dans ma première note sur les sondages de la présidentielle, j'écrivais que "la jonction des courbes [entre Hollande] et Sarkozy sur la période récente [est nette]" et que je considérais Sarkozy comme le favori pour le premier tour. Avant d'ajouter une phrase qui précisait que la vie politique est pleine de rebondissements inattendus et que mes pronostics ne valent pas tripette.

A la réflexion, j'aurais mieux fait de mettre cette dernière phrase en gras. Ou de garder pour moi mes jugements définitifs. Parce que le point sur les sondages qu'on peut réaliser aujourd'hui ressemble étrangement à celui qu'on pouvait faire la semaine dernière. En tout cas concernant le duel pour la première place - la progression très rapide de Mélenchon et la baisse de Le Pen sont des informations nouvelles. 

Et à la différence graphique près que l'ensemble des données de sondage est désormais visible, y compris quand plusieurs sondages sont réalisés au même moment. C'est peut-être un détail pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup (de boulot).



 

Comme la semaine dernière donc, la dynamique est clairement du côté de Sarkozy alors qu'Hollande marque le pas (je rappelle qu'un clic sur le graphique permet d'avoir la version full HD). Et comme la semaine dernière, le croisement des courbes apparaît imminent. Preuve qu'il ne l'était pas il y a 8 jours.

Comment expliquer ce paradoxe que Zénon n'aurait pas renié? La réponse simple est que les sondages publiés dans la semaine sont venus tempérer l'image qu'on pouvait avoir avec les enquêtes rendues publiques jusqu'au samedi 17 mars. L'histoire globale n'est pas fondamentalement remise en cause mais la progression de Sarkozy apparaît un peu plus lente, alors que les intentions de vote en faveur de François Hollande semblent désormais se stabiliser autour de 28% alors que la tendance paraissait baissière la semaine dernière.

On le voit beaucoup mieux avec une avancée technologique que j'ai piquée aux retransmissions footballistiques de Canal+ : la loupe.



 

Depuis la retentissante enquête Ifop donnant Sarkozy en tête au premier tour, 9 sondages ont été publiés : cinq voient Hollande devant (TNS, LH2, Ipsos, Harris et BVA), deux montrent une égalité (CSA et Opinion Way) et deux autres penchent pour Sarkozy (un 2e sondage Ifop et un 2e sondage CSA). Un élément qui me semble potentiellement intéressant est que 4 des 5 enquêtes plaçant Hollande en tête ont été réalisées par téléphone, tandis que 2 des 3 sondages (les deux enquêtes Ifop) affichant une avance de Sarkozy ont été fait en tout ou partie par Internet.



Pour essayer d'étayer la thèse d'une influence de la méthodologie sur les résultats, il est intéressant de comparer les résultats des différents sondeurs à la tendance globale des intentions de vote telle que je la calcule. Pour les sondages publiés en 2012 et la tendance pondérée sur les 7 derniers jours, on obtient les résultats affichées ci-dessous. Je précise que j'ai fait le choix de classer Ifop dans la catégorie "Internet" (l'institut utilise une méthode mixte Internet + téléphone dans des proportions qui ne sont pas connues) et BVA dans la catégorie "téléphone" même si trois enquêtes de cet institut ont été réalisées par Internet en janvier et février.



Ce qui me frappe est que les écarts concernant Sarkozy sont relativement bien distribués entre sondeurs, sans qu'un impact de la méthode employée apparaisse nettement. Par contre, pour Hollande, l'influence de la méthode semble claire
: les 3 sondeurs qui procèdent par Internet voient tous le candidat socialiste plus bas que la tendance et sont en outre plus bas que les 4 autres qui sondent par téléphone. Le constat est le même en prenant les sondages depuis la primaire socialiste (64 sondages au lieu de 44) et la tendance pondérée sur les 20 derniers jours.

Cela ne veut pas dire qu'une méthode de sondage soit nécessairement meilleure que l'autre (le téléphone est par contre incontestablement plus cher). On peut juste dire qu'elles semblent donner des résultats différents, pour des raisons qui ne sont pas évidentes : après le "shy Tory factor", y-a-t'il un "shy socialist traitor factor", c'est-à-dire que certains sondés, en particulier les sympathisants socialistes, n'oseraient pas reconnaître par téléphone qu'il ne voteront pas pour Hollande (au moins au premier tour) mais le font plus volontiers si on les interroge par Internet?

NB : Un mot d'avertissement, en particulier pour les journalistes qui me lisent : il est tentant de considérer les écarts moyens à la tendance comme le biais, volontaire ou pas, des différents sondeurs. Ainsi, LH2 serait plutôt pro-Hollande alors que Opinion Way favoriserait Sarkozy. Tentant mais faux. Un biais n'a en effet de sens que si l'écart est mesuré par rapport à une grandeur objective qu'on cherche à prévoir. On peut ainsi parler du biais des prévisions de croissance d'un gouvernement ou d'un institut de recherche par rapport au chiffre tel qu'il a été mesuré a posteriori. Par définition, la tendance que je construis n'est que le reflet de la moyenne de l'ensemble des données de sondage publiées. Elle est utile pour synthétiser visuellement l'information publique disponible mais elle n'a pas de réalité objective. Le seul juge de paix est l'élection : c'est à ce moment-là qu'on verra si la tendance centrale était la meilleure prévision ou bien si un sondeur dont les résultats s'écartent de la moyenne avait raison contre les autres.